Associations : l’alerte rouge d’un secteur à bout de souffle
« La trésorerie, c’est du yo-yo en permanence, mais cette année, c’est le pompon ! »
Dans un contexte économique tendu, les associations françaises tirent la sonnette d’alarme. En 2025, la combinaison de baisses de subventions, de retards budgétaires et de l’inflation met en péril l’équilibre financier d’un pan essentiel du tissu social français. Une enquête nationale, menée en mars par Le Mouvement associatif, le RNMA, Hexopée et l’Observatoire Régional de la Vie Associative (ORVA), révèle un état critique du secteur. Près de 5 600 structures ont participé, dressant un constat unanime : les associations sont à bout de souffle.
Des trésoreries exsangues : l’urgence du quotidien
Les chiffres sont alarmants : 31 % des associations employeuses disposent de moins de trois mois de trésorerie, dont 6 % sont à sec. Pour 23 %, ces difficultés sont récurrentes ; pour 31 %, elles sont ponctuelles, mais tout aussi préoccupantes. Plus des deux tiers déclarent avoir des fonds propres fragiles, voire inexistants. Cette précarité empêche toute visibilité sur l’avenir, obligeant certaines à fonctionner en autofinancement sur des actions encore non financées.
Comme le résume Séverine Gallais, directrice de la Maison de l’Europe Wipsee : « On est en autofinancement sur des actions promises mais pas encore votées. »
Un financement public défaillant : retards, baisses, incertitudes
Le retard dans le vote du budget de l’État pour 2025 a aggravé une situation déjà tendue. Plus de 50 % des associations attendent toujours des réponses à leurs demandes de subventions. Pour celles ayant obtenu un accord, 45 % constatent une baisse des aides, dont 20 % subissent une chute drastique. Cette tendance concerne tous les niveaux de financements : État, collectivités, fondations ou mécénat privé.
Les régions Pays de la Loire, Provence-Alpes-Côte d’Azur et Auvergne-Rhône-Alpes figurent parmi les territoires les plus touchés par les réductions de crédits. Le dialogue entre associations et institutions y est jugé très insuffisant, voire inexistant.
Une pression inédite sur l’emploi
Les conséquences ne se font pas attendre. Près d’un tiers (32 %) des associations envisagent de réduire leur masse salariale en 2025:
-
18 % ne remplaceront pas les départs ;
-
16 % annulent ou reportent des recrutements ;
-
8 % envisagent des licenciements ;
-
7 % ne remplacent même plus les départs temporaires.
Ces choix déchirants affectent 1,8 million de salariés, répartis dans 144 000 associations employeuses. Pour beaucoup, comme Marc Bourgeois de La Légumerie à Lyon, « on se retrouve certains mois à ne plus pouvoir payer les salaires ».
Des répercussions directes sur les missions de terrain
Les coupes budgétaires ne touchent pas seulement l’emploi : elles fragilisent l’essence même des missions associatives. 28 % des structures réduisent leurs actions, 22 % des associations non employeuses annulent des projets, et 15 % augmentent les tarifs pour les bénéficiaires, affectant l’accès aux services pour les publics les plus fragiles.
Aude Prieur, de l’association Musique et équilibre à Orléans, déplore un système de financement par appels à projets de plus en plus complexe : « On passe notre temps à chercher de l’argent au lieu d’être sur le terrain. Ce temps n’est jamais financé. »
Des appels à l’aide et des propositions concrètes
Face à l’ampleur de la crise, Le Mouvement associatif et ses partenaires formulent un appel solennel à l’État et aux collectivités. Leur message est clair : renforcer le financement des associations est une urgence démocratique.
Parmi les 7 propositions défendues :
-
La simplification des démarches d’accès aux financements publics ;
-
L’adaptation des outils bancaires aux réalités du secteur associatif ;
-
Le renforcement des subventions pluriannuelles ;
-
Une meilleure concertation avec les collectivités locales ;
-
Le soutien aux petites structures locales, souvent plus ancrées mais plus vulnérables.
Le tissu qui permet à la société de tenir
Le secteur associatif, qui représente 11 % de l’emploi salarié en France et 113 milliards d’euros d’activité annuelle, est bien plus qu’un maillon économique. Il est le lien social de territoires entiers, l’acteur de la solidarité, de la culture, du sport, de l’environnement ou encore de la santé mentale.
Comme le souligne François Bayrou, haut-commissaire au Plan : « Ce sont les associations qui tiennent la société. »
Mais combien de temps encore pourront-elles tenir si rien ne change ? Le temps presse. Sans réponse rapide, les conséquences sociales pourraient être dramatiques.